LES ATELIERS DE COPARENTALITÉ

Présentation de Françoise MARECHAL- THIEULLENT, avocat-médiateur, présidente d’AMARE et de Chantal WAGENAAR , Juge aux Affaires familiales :

L’expérience des ateliers de coparentalité est partie de plusieurs constats :

1ER CONSTAT : les méfaits des séparations conflictuelles sur les enfants de tous âges. Ils sont de tous ordres : psychologique, éducatifs, sociaux et peuvent se lire à travers plusieurs chiffres :

  • la moitié des enfants concernés par les situations familiales de séparations ne voit plus ou presque plus le parent avec lequel il ne vit pas. « Près d’un enfant de parents séparés sur  cinq ne voit jamais son père » (revue INED 2013).
  • 43% des pensions alimentaires ne sont pas ou mal payées.
  • 3 prononcés de divorce sur 5 reviennent devant le Juge aux affaires familiales dans les 2 à 3 années qui suivent le divorce.
  • un rapport de l’observatoire de l’action sociale décentralisée (ODAS) de décembre 2006 mentionne que 30% des signalements d’enfants en danger  concerne des enfants victimes de conflits parentaux.

Ces chiffres sont énormes et induisent un coût social d’intervention extrêmement important auquel s’ajoute l’impact économique du conflit familial et conjugal.

Ils démontrent également, comme l’a exposé la Défenseure des enfants, dans son rapport thématique 2008, « Enfants au cœur des séparations parentales conflictuelles » que « les parents séparés connaissent mal les obligations de coparentalité » (page 75) et que « les décisions de justice sont souvent mal comprises par les parents » (page 77).

2nd CONSTAT : mon impuissance de juge aux affaires familiales à faire comprendre aux parents en conflit que j’avais devant moi à quel point, enfermés dans leur dispute, ils en oubliaient les besoins de leurs enfants alors qu’ils étaient convaincus à l’inverse, mais chacun de leur côté, de faire tout pour leurs enfants.

Pourquoi cette impuissance ?

  • Le juge aux affaires familiales est un Juriste, un spécialiste du droit qui travaille avec d’autres juristes que sont les avocats. Ses ou leurs outils sont le droit, la procédure et ses mots ou leurs mots sont le vocabulaire juridique qui oppose les “parties” ou “adversaires” à l’occasion de leur “litige” de leur “différend”.
  • La justice familiale est aussi une justice d’abattage qui laisse peu de temps à l’expression des souffrances, des besoins liés au conflit opposant les personnes présentes devant le juge.
  • Si le juge aux affaires familiales dispose d’instruments spécifiques pour mieux appréhender la dimension humaine, psychologique du différend qu’il est amené à trancher , il n’en demeure pas moins que la justice familiale demeure souvent insuffisante à aider les parents à régler leur conflit et à les ramener à leur responsabilité de parents en évitant des comportements portant atteinte au bien-être de leurs enfants.

 COMMENT AGIR AUTREMENT ?

Partant de ces deux constats, il nous a semblé nécessaire d’être plus efficaces dans la prévention, non pas du conflit conjugal, mais de ses conséquences dans la coparentalité et sur les enfants :

Nous appuyant sur les textes nationaux et internationaux (articles 372, 373-2, 373-2-6, 373-2-10 du code civil – art 55e Bruxelles II bis – Art 18 de la convention de New York), et sur les propositions de la Défenseure des enfants, et nous inspirant de l’expérience du centre protestant de Genève et de celle de la Cour de MONTRÉAL (QUÉBEC), nous avons mis en place un projet pilote au sein de la Chambre de la famille du TGI de Bayonne .

Nous proposons un cycle de 2 ateliers gratuits de coparentalité, animés par une médiatrice familiale, Françoise THIEULLENT formée auprès de Lorraine FILION.

Nous avons mis en place un comité de pilotage intégrant la CAF qui finance l’association AMARE porteuse du projet, le barreau de Bayonne auquel le projet a préalablement été présenté, les juges de la chambre de la famille, un pédiatre, les médiateurs.

MODALITÉS

Ces ateliers s’inspirent de ceux animés par le Service Jeunesse de Montréal au sein du Palais de justice de cette ville. Ils regroupent au maximum une vingtaine de parents ;

Les parents en instance de séparation devant le JAF du TGI de BAYONNE sont invités, depuis mai 2012, à participer à deux ateliers  gratuits de 2h chacun. Cette proposition leur est adressée par le greffe en même temps que la lettre de convocation à la tentative de conciliation.

Les ateliers ont accueilli dans un premier temps et pour des raisons statistiques, les parents mariés d’enfants mineurs déposant une requête en divorce contentieux qui reçoivent en même temps que la convocation à l’audience de conciliation, l’invitation à se rendre à ces ateliers gratuits ; depuis mars 2013, les ateliers sont ouverts à tout parent désireux d’y participer.

Très interactifs, ils proposent aux parents des moyens :

  • pour mieux comprendre et surmonter plus facilement la crise de la séparation
  • pour mieux comprendre les réactions de leurs enfants selon leur âge
  • pour mieux appréhender leurs réactions et accompagner celles de leurs enfants pendant la séparation
  • pour répondre ensemble aux besoins de leurs enfants

Le premier atelier a pour thème «  la séparation : impact sur le couple conjugal/ parental et sur les enfants » ;

Le second est centré sur la communication parentale autour notamment d’un cas pratique et d’un transfert de compétences.

Nous utilisons des séquences vidéo, des supports écrits qui instaurent un dialogue dans le groupe.

Les parents peuvent décider de poursuivre ce travail au cours d’une médiation familiale qu’ils pourront entamer de leur propre initiative ou sur proposition du juge ou de leurs avocats.

famille

L’étude de l’impact de ces ateliers sur les suites de la procédure est en cours  car il nous faut encore un peu de recul eu égard aux délais de procédure.

A la fin de chaque atelier, les participants remplissent un questionnaire d’évaluation.

Plus de 96% des parents ayant participé à ces ateliers ont apprécié rencontrer et dialoguer avec d’autres personnes traversant la même situation qu’eux.

Et 98% estiment avoir mieux compris les principes de la coparentalité et se disent avoir été sensibilisés sur les effets négatifs de leurs conflits sur leurs enfants. Enfin, ils recommanderaient à leurs proches de participer à ces ateliers.